lundi 11 août 2014

L' ÂME DE LA HARPE


 Les instruments de la famille du violon ont une âme...non, ça n'est pas de la poésie, mais de la technique ! Sur ces instruments, l'âme est cette petite pièce de bois, coincée au bon endroit entre table et fond, qui a pour fonction de transmettre une partie des vibrations de la table au fond, lequel en renvoie une partie, quelque peu distordue...etc,  et aussi de compenser un peu la pression exercée par le chevalet.
 C'est ce qui fait si bien "chanter" un violon.
 Système curieux, qui ne semble exister que sur ces instruments, et participe activement à la production d'un son caractéristique.
 Je me suis toujours demandé pourquoi guitares, mandolines, bouzoukis et autres n'utilisaient pas ce procédé ?
Vous me voyez venir, bien sûr ! Et la harpe...?

 Pour transmettre la vibration de la table au fond, l'âme de la harpe devrait être d'une nature très différente.
 Sa table est tirée vers le haut par les cordes : elle tend donc à s'éloigner du fond. Il faudrait trouver un moyen d'arrimer table et fond ensemble. Le fond récupérerait ainsi une partie de la tension des cordes sur la table, et des vibrations de celle-ci . Comme pour le violon, cette âme d'un genre particulier prendrait plutôt place dans les basses, les plus tendues.

 Le son en serait-il modifié, perturbé, enrichi ?
Pourquoi ne pas essayer ?

 On pourrait imaginer toutes sortes de solutions. Je pense à quelque chose de bien simple : un (ou des) ressort(s) !
 Les ressorts se comportent un peu comme des cordes ; ils sont susceptibles de vibrer et de transmettre des vibrations. On peut les accorder...en les tendant plus ou moins.
 Imaginons un tel ressort, tendu entre table et fond à l'intérieur de la caisse, au niveau des quatre ou cinq cordes basses.
Pour estimer sa tension, on peut y accrocher des poids connus, et mesurer ses longueurs successives : plus il s'allonge, plus sa tension est forte. On peut faire une courbe...On saura ainsi quelle longueur lui donner en fonction de la tension recherchée.

  Après cette belle théorie, une petite expérience : j'ai accroché en bas de ma
« Smartwood harp » un ressort de lave-linge déclassé, de ces gros ressorts qu'on récupère toujours sur ces machines, et qu'on n'utilise jamais...Il est donc tendu entre le bas de table, qui présente, sur la Smartwood, une ouverture contre le pilier, et l' ouïe du bas dans le fond. C'est juste un essai, je n'ai pas mesuré la tension de ce ressort, ni fait d'effort pour le cacher...
Résultat ? Surprenant ! Je trouve que les basses, mais pas seulement, résonnent mieux, avec d'avantage d'harmoniques et de « sustain ». Pas de vibrations parasites. J'ai même l'impression qu'on gagne un peu en volume sonore...Le ressort doit se comporter un peu comme une ou plusieurs cordes sympathiques.   Bref, ça chante ! Du coup, j'en ai mis deux...




 Pourquoi j'ai pensé à des ressorts ? Dans son livre « Musical instruments design and conception » Bart Hopkin signale les possibilités sonores, peu exploitées jusqu'ici, de ces objets un peu étranges, et présents dans toute machine qui se respecte...
 Gustave Lyon avait déjà pensé à utiliser des ressorts, dûment tarés et accrochés à un cordier, pour soulager la tension invraisemblable des basses sur les harpes chromatiques Pleyel. Un bon système...pas seulement mécanique, mais intéressant aussi dans la production du son.

 Nos harpes auront-elles, un jour, une âme...à ressorts ?


samedi 9 août 2014

BAMBOO STUDIO

Encore une expérience...une harpe en bambou !



Mais oui, toute la structure de cet instrument est en « tripli »ou contre-collé de bambou, un matériau récemment disponible et destiné plutôt à réaliser des étagères...
Le bambou est, à sa manière, un bois de lutherie : flûtes et orgues portatives en bambou existent en Asie depuis l'antiquité.
C'est un bois très solide ! Ses fibres sont, comme celles des autres graminées, beaucoup plus longues que celles des bois habituels et contiennent davantage de silice, cette précieuse silice qui "répond" à merveille aux vibrations des cordes.
La technologie actuelle (chinoise) réalise, en collant bord à bord des lattes de bambou, toutes sortes de panneaux.
J'ai retrouvé dans mes archives, en faisant du rangement, un plan de « Studio harp » acheté chez « Musicmaker's » il y a quelques années, et que je n'avais jamais exploité : c'est l'occasion !
Naturellement, comme toujours, je n'ai suivi le plan que de loin...

Console et pilier sont réalisés comme d'habitude avec deux épaisseurs de panneaux contre-collées et un assemblage à recouvrement. Comme chaque panneau est lui-même constitué de trois épaisseurs de lattes entre-croisées, cela fait six épaisseurs pour ces pièces...4,5cm en tout.
Les côtés de la caisse sont de même taillés dans du panneau de bambou.
En refendant ce qui me restait, et en passant par la raboteuse, j'ai réussi à obtenir une seule épaisseur de lattes, d'environ 6mm , exactement ce qu'il faut pour construire une table d'harmonie en petites lattes collées, affinées vers le haut jusqu'à 3mm :



Les parties plus sombres qui apparaissent sur le bois sont... les nœuds du bambou.
Bas et haut sont en érable, et le panneau de dos en pin des Landes, de la récup.
Console et caisse sont assemblés, comme toujours, avec un joint libre, pivotant sur une pièce ronde taillée dans un...bambou, un « vrai », celui-là :



Un autre essai : remplacer les chevilles par des boulons ; il y a longtemps que j'y pense, et je n'ai plus de chevilles disponibles, deux bonnes raisons !
J'ai choisi des boulons de 6 à tête six pans creuse, utilisables avec une clé mâle (Allen) de 5. Ils existent aussi en noir, ça serait sûrement plus décoratif que l'acier zingué...



De l'autre côté, il faut percer un trou pour accrocher la corde :



Pour que le filetage ne devienne pas inutilisable, il faut visser au préalable un écrou jusqu'au bout. Une fois le trou fini, on dévisse l'écrou, qui va au passage restaurer le dit filetage...
Vieille ruse de bricoleur !

Pour cacher un peu ces têtes de vis, j'ai choisi de les encastrer dans le bois.

Voilà ce que ça donne une fois monté :



Côté cordes, écrous et rondelles :



Restent à mettre les cordes (29) et à accorder...

Le système fonctionne ! Quelques petits problèmes à résoudre :
-Pour serrer les écrous, une clé plate doit pouvoir passer. Il faut donc prévoir entre les « chevilles » un peu plus d'espace que d'habitude, surtout dans les aiguës .

-Les têtes ont tendance à s'enfoncer un peu trop dans le bois : je rajouterai sûrement, côté têtes, une rondelle crantée style « grower ».

Est-ce que ça vaut des bonnes chevilles ?

Ces panneaux de bambou ne sont pas d'une homogénéité parfaite. Il y a, par moments, dans le « tripli » des creux et des vides...pas très gênants, mais une cheville risquerait de tomber dans un de ces creux et de ne pas tenir correctement.
Le boulon ne jouant, lui, que sur le serrage, pas de risque.
On peut donc, grâce à ce système, et sans inconvénient, construire des consoles avec des bois plus légers ; c'est ce que font vénézuéliens et colombiens avec le « cedro » pour les « Llaneras ». Des chevilles coniques risqueraient de fendre ce bois.

Le son ? Avec des cordes nylon, très doux, une bonne résonance, des aiguës qui chantent bien, des harmoniques... moins de brillance, peut-être, qu'avec épicéa, red cedar ou contreplaqué aviation  ? Autre chose en tous cas. Intéressant !