mardi 8 janvier 2013
LES LUTHIERS ET LEURS CLIENTS...
Un échange de propos un peu vif, pour une fois, sur le forum harpe celtique.fr, m'a donné envie de parler d'un sujet qui me tient à coeur : les relations entre facteurs de harpes et harpistes...
J'ai osé écrire : "tout le monde ne mérite pas une harpe de luthier"...pavé dans la mare ! Comment ? Tout le monde n'a pas le droit d'acheter une harpe de luthier ? Il suffit de sortir un carnet de chèques, et l'affaire est conclue ? Toujours le bon vieux réflexe petit-bourgeois, croire que l'on peut tout acheter avec de l'argent...ça marche, plus ou moins, chez Darty, aux galleries Lafayette ou à la limite chez Camac, qui s'est organisé pour produire des instruments de qualité tout en répondant à ce genre de demande. Et encore, les relations commerciales les plus "simples" ne le sont pas toujours.
Je suis le premier à m'inscrire en tête de liste de ce "tout le monde..." : je serais incapable d'attendre je ne sais combien de mois ou d'années un instrument, certes d'exception, mais certainement "trop bien pour moi" comme dans la chanson de Brel. Mes harpes, je me les fabrique moi-même, une construction amateur, sans prétention mais avec passion, à mon usage de harpiste éternel débutant et plutôt maladroit...il m'arrive même de penser qu'elles mériteraient d'appartenir à quelqu'un de plus savant !
Non, il ne suffit pas d'avoir de l'argent pour acquérir une harpe de luthier !
Il faut déjà être au niveau, capable d'en apprécier toute la finesse, d'en exploiter toute la richesse sonore, "d'apprivoiser la bête" et de la dresser : offre-t on une Ferrari à un jeune qui vient d'avoir le permis ? Même les plus inconscients des nouveaux riches hésiteraient, ou alors, gare à la casse ! Une harpe de luthier est une bête de luxe, un pur-sang réservé aux cavaliers expérimentés.
Il faut ensuite faire preuve de la plus grande humilité devant l'homme (ou la femme !) de l'art, qui est capable, avec quelques bouts de planches, de créer une merveille, un instrument léger, réactif, bien équilibré, à la sonorité exceptionnelle...vas-y, essaye d'en faire une comme ça, Ducon ! Et surtout quand on a compris que beaucoup de ces artistes-là, au bout de nombreuses années d'étude et de pratique, ne gagnent guère leur vie, se payent des salaires de misère, moins que le mécano du coin . Aucun facteur de harpe n'achète de villa à Saint Tropez pour les vacances, ni de yacht pour aller faire l'imbécile aux Caraïbes. Quelques-uns arrivent à survivre en donnant des cours, ou grâce à une activité annexe, à une fortune personnelle, au salaire du conjoint...Beaucoup arrêtent au bout de quelques années, comme Léo Goas, qui pourtant faisait des harpes pour Alan Stivell (lequel le regrette bien!) ; il a changé de métier et ne veut plus entendre parler de harpes...
S'il est déclaré artisan, le luthier doit payer des charges : chères. Il y a le racket fiscal : honteux. Les outils à acheter et à entretenir, les matières premières d'excellente qualité, à des prix astronomiques...
Il va donc avoir tendance a prendre toutes les commandes qui se présentent, à les solliciter même; il faut ensuite le temps, les moyens, la santé nécessaires. Un grand artiste n'est pas forcément un bon gestionnaire, c'est même souvent le contraire ! On prend du retard, le client s'impatiente, engueulades, lettres recommandées, huissiers et tout le cirque.
Il y a les petits malins, qui contournent le problème en travaillant par exemple sous couvert d'une association, qui organisent des stages de construction pour luthiers amateurs, ou qui plus simplement font une harpe de temps en temps, au black, et pour un musicien complice...On se débrouille comme on peut !
Dans toute cette pagaille, je le dis et je le répète : le bon harpiste qui arrive à se faire construire un instrument par un grand luthier, et à rester en bons termes avec lui, celui-là, vraiment, sa harpe, il la mérite !
3 commentaires:
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J'ai découvert votre blog en papillonnant sur Internet pour en apprendre plus sur la harpe ayant repris récemment.
RépondreSupprimerJe suis tombée sur le sujet en question sur le forum par hasard (je voulais avoir plus de renseignements sur Bernhard Schmidt et ses cours de construction de harpe) et j'ai fait lien ensuite avec votre billet que je trouve très juste et qui a le mérite de bien resituer le contexte.
Je connaissais mal la situation des luthiers et je me dis que c'est bien dommage que des artistes pareil, capables de créer de si beaux instruments, soient obligés d'être dans une situation précaire.
Je ne sais pas si on doit obligatoirement être musicien émérite pour avoir une harpe de luthier mais pour l'apprécier pleinement et en tirer toute la quintessence, je n'en doute pas.
Heureusement tout de même pour les luthiers qu'il y a des gens qui en achètent même sans être des musiciens hors pairs :)
Personnellement, je pense que je ne m'offrirai jamais une harpe de luthier. Pas par manque de patience mais parce que le talent du luthier serait gâché entre mes mains.
Par contre, je songe doucement à construire ma propre/mes propres harpes afin de mieux comprendre le travail de luthier mais également mon instrument. Je crois que c'est sans doute la meilleure solution même si longue.
Je n'ose pas imaginer la joie et la fierté d'avoir conçu son instrument en ayant maîtrisé toutes étapes.
Absolument, la naissance d'un instrument que l'on a conçu et réalisé est une vraie grâce !
SupprimerN'hésitez pas à me recontacter pour toute question (dans la mesure de mes connaissances!) sur votre projet: c'est par l'entraide qu'on avance !
Bonjour, savez-vous si le forum existe toujours ?
RépondreSupprimerCela fait plusieurs jours qu'il n'est plus accessible, je me posais donc la question de si vous aviez plus d'informations que moi sur le sujet ?
Merci et désolée du "Hors Sujet".
Lyhnu