jeudi 23 août 2012
PAKIS ET CIE
Entre une pakistanaise et une harpe d'un luthier européen, ou américain, il y a, je crois, la même différence que souligne le potier anglais Bernard Leach quand il compare la poterie de la Grèce antique et de Rome à celle du Japon. En Grèce et à Rome, ce travail était effectué mécaniquement, à la chaine et par des esclaves : un boulot fastidieux, répétitif, sans grande imagination, pour satisfaire une clientèle de nouveaux riches.
Au Japon, les potiers bénéficiaient d'un statut social assez élevé et étaient considérés comme des artistes ou artisans d'art ; ça change tout ! Aussi la poterie japonaise fait-elle preuve d'une grande créativité, d'une recherche constante sur la matière, la couleur, les différents procédés de façonnage et de cuisson.
Les entreprises qui délocalisent leur fabrication en Asie sont les nouveaux négriers.
On ne va plus chercher le "bois d'ébène" en Afrique, par bateau, système qui présentait bien des inconvénients, on fait à présent travailler les gens chez eux, avec la complicité intéressée des petits chefs de mafias locales, dans des conditions plus que précaires, et pour des salaires de survie.
Mondialisation, globalisation, commerce plus ou moins inéquitable, ça sonne quand même mieux qu'esclavage, non ?
Mais le résultat est le même : une fabrication standardisée, suivant des "cahiers des charges" souvent minimalistes, avec les fameux "contrôles qualité " et leurs contrôleurs... de bien tristes objets, à tous points de vue.
Un artisan ne peut pas s'empêcher de s'intéresser à ce qu'il produit, de le faire évoluer, de le perfectionner, de l'embellir ! La passion du travail bien fait le tient.
J'ai moi-même l'expérience d'une telle démarche: pas dans les harpes, mais dans un autre domaine. Je construis depuis vingt ans des appareils.
Depuis les premiers bricolages du début, que de chemin parcouru ! Je n'ai jamais cessé de réfléchir, de tenter toutes sortes de modifications et d'améliorations, quelquefois avec succès. Ma production actuelle ne ressemble plus guère à celle des débuts, et tant mieux !
Qu'aurais-je pu faire de concret avec des gardes-chiourme, des cahiers des charges et des contrôleurs sur le dos ?
Il faut, pour créer du nouveau, une complète liberté d'esprit, un peu de loisirs, un peu d'argent, et un minimum de reconnaissance sociale.
Ce que je veux dire, c'est que l'artiste et l'artisan donnent une âme à ce qu'ils créent.
A l'opposé, le travail de l'esclave ne peut exprimer que la misère et la tristesse de sa condition...
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